Dessins d'après les maîtres



Durant longtemps, la Nature tint lieu de maître incontesté

devant lequel se prosternaient les plus grands peintres de la terre. Grande aurait été leur surprise assurément, s'ils avaient pu prévoir que le Grand Maître serait délaissé un jour, par certains esprits mal inspirés, pour les petits maîtres!

Il ne s'agit vraisemblablement que d'une erreur d'aiguillage,

Il ne s'agit vraisemblablement que d'une erreur d'aiguillage, mais nous savons que toutes les fautes de ce genre peuvent mener à la catastrophe. Nous savions jusqu'à présent, que la perfection résidait seulement dans la nature, source intarissable d'inspiration pour les artistes chevronnées, comme pour les artistes en herbe. L'éducateur ne risquait pas de se tromper en proposant à l'observation et à l'admiration de ses élèves l'inépuisable réservoir de sujets qu'est le monde qui nous entoure. Au lieu de cela, ce sont les reproductions plus ou moins fausses des oeuvres de peintres tels que François Clouet ou Ingres, qui accaparent dans certaines écoles, une partie trop importante du temps dévolu au dessin.Quand on songe à l'étroitesse extrême de ce temps, on peut évidemment se demander, s'il ne serait pas mieux utilisé à d'autres exercices un peu plus convaincants. Je me hâte de dire que les chefs d'oeuvres des maîtres du passé, demeurent, certes, toujours admirables e nos jours, la beauté véritable étant éternelle, et loin de vouloir brûler les musées, je pense au contraire, qu'il faudrait les multiplier, trop nombreuses étant encore les villes, qui, telles que Lorient, en sont dépourvues. Encore conviendrait-il que le public apprenne à se rendre au musée, ce qui à notre époque dite civilisée, demeure toujours l'apanage d'une minorité de gens touchés par la grâce du Beau. Il faudrait, bien sur, que l'art pénètre davantage dans les écoles, pour que les enfants devenus adultes se sentent attirés, eux aussi, par la visite des musées au hasard des voyages, et pour les décider à franchir le seuil des galeries ou des expositions.

 

Nous ne devons pas ignorer plus longtemps,

que la peinture moderne pénètre à son tour dans nos musées, de plus en plus profondément? Tout récemment, l'oeuvre de Braque est entrée au Louvre, du vivant même de l'artiste. Nous devons nous en réjouir, car, aussi admirables que soient les chef-d'oeuvres du passé, ceux du présent ne le sont pas moins à mon sens.

C'est une lourde faute

assurément que d'obliger les élèves à avoir les yeux toujours fixés sur le passé. La meilleure façon de préparer les peintres de demain n'est-elle pas de les initier d'abord à la peinture d'aujourd'hui? L'histoire de l'art ne s'arrête pas au cubisme, et depuis l'évolution de la peinture a été infiniment plus rapide que durant les siècles antérieurs.
L'idée très largement répandue dans le public, selon laquelle les peintres les plus valables d'aujourd'hui ne dépasseraient pas la hauteur des bottes de leurs aînés, est absurde. Qu'ils appartiennent au passé ou au présent, chaque grand peintre a excellé dans son genre et dans ce genre, il n'a jamais été dépassé. Il y a toujours eu des bons et des mauvais peintres, de la bonne et de la mauvaise peinture, hier comme aujourd'hui et il sera de même demain. S'il se trouve de moins en moins de peintres pour aborder les grands sujets historiques, mythologiques ou autres, s'il n'est plus possible de trouver dans nos grands salons des toiles semblables à ces immortels chefs-d'oeuvre que sont "la ronde de nuit" de Rembrandt, "les Ménines" de Vélasquez, ou "l'Atelier" de Vermeer, c'est parce que les préoccupations picturales de notre époque ne sont plus celles du passé. Peut-on reprocher aux peintres d'aujourd'hui qui ont quelque chose à dire, d'être de leur temps? Non, n'est-ce pas? Il est bien évident que l'homme de l'ère atomique ne peut plus voir et penser de la même façon que l'homme du moyen-âge ou de la Renaissance. Il en est de même pour le peintre, dont la façon de peindre s'est modifiée tout autant que sa façon de manger, de s'habiller ou de parler. Les audaces de nos modernes, ne pouvaient évidemment pas se concevoir à l'époque où Nicolas Poussin peignait "les Bergers d'Arcadie", mais elles ne doivent plus étonner à présent ceux qui se tiennent au courant de la constante évolution de la peinture. Dessiner ou peindre de nos jours, à la façon des maîtres d'autrefois, est une erreur et un danger certain pour les débutants. La peinture n'a en effet de valeur que dans la mesure où elle apporte quelque chose de nouveau et de valable à la fois.

Ce n'est évidemment pas chose facile de peindre autrement

que tous ces innombrables devanciers, et cependant c'est dans ce sens qu'il convient de s'engager dans cette passionnante aventure qu'est la peinture. Hors de cette voie, les critiques auront beau jeu de nous reprocher d'être nés avec un demi-siècle ou un siècle de retard, sinon davantage. Si Picasso est dépassé, et il l'est bel et bien, c'est certain, que dire alors du cubisme, de l'impressionnisme, du réalisme et du classicisme par exemple? "Tout ce qui néo est mauvais" disait déjà Gauguin, en son temps.

En abordant le problème de la copie,

il convient d'abord, je crois, de la différencier de l'original. Seul le métier confère à la copie un certain intérêt, mais nous savons aussi que le métier n'est qu'un moyen et que l'art demeure le but. La création artistique ne saurait être mise sur le même plan que la copie servile. Les faux COROT, les faux UTRILLO, ne présentent évidemment aucune valeur sur le plan artistique, comme sur le plan financier, aussi proches soient-ils des originaux et ce n'est que juste. Et comment ne pas se remémorer la triste fin de l'affaire des faux VERMEER, qui fit tant de bruit après la dernière guerre, et plus récemment, celle des faux PICASSO. Comment admettre, après cela, que le travail des enfants soit orienté dans ce sens, sans danger?

Combien de fois n'entend-on pas les profanes

dire en présence de certaines oeuvres d'art: "Bah! Il me semble que je saurais bien en faire autant!" Il est évident que les difficultés inhérentes à la création artistique leur échappent absolument et ils ne songent qu'à la copie éventuelle. Concevoir une idée et la réaliser, est certes infiniment plus difficile que de chercher à copier l'oeuvre achevée.
Fier d'avoir reproduit, avec plus ou moins de bonheur, un dessin de maître, l'élève ne risque-t-il pas de se prendre pour un maître à son tour et de s'imaginer qu'il n'a plus rien à apprendre? Dans les expositions scolaires, du genre de celles de l'UFOLEA, les "Dessins d'Après les Maîtres" très reconnaissables parmi les autres, et pour cause...! obtiennent à coup sûr un grand succès... populaire! Le public dans sa presque totalité n'hésite pas à reporter sur les élèves, le talent des maîtres. Ce triomphe, s'il en est un, sera sans lendemain; car ces faux CLOUET, ces faux HOLBEIN et autres grands maîtres, vers quelles obscures impasses vont-ils pousser les élèves? Que feront plus tard ces derniers, seuls, devant une toile blanche?

Devant un portrait, il sera facile pour le débutant de déceler les couleurs employées, de constater à l'emplacement du front une tache ocre-jaune par exemple, mais sur le modèle vivant, les couleurs ne se présenteront pas avec la même évidence et la tâche ocre-jaune du front, ne sera plus là pour faciliter la besogne. A sa place, il se trouvera en présence d'une multitude de couleurs et il lui faudra résoudre, à son tour, tous les problèmes techniques inhérents à l'exécution du portrait. S'agit-il à présent d'une reproduction d'un portrait au crayon, de François CLOUET, par exemple? Ici encore le problème n'existe pas, le maître l'ayant déjà résolu. Il suffira d'être habile et de faire preuve de beaucoup de patience et de soin pour imiter l'interprétation du maître, avec plus ou moins de bonheur et reprendre à son compte les traits plus ou moins larges, qui, disposés d'une certaine façon suggèrent ici les cheveux, là l'ombre de la joue. Qu'adviendra-t-il, lorsque le même débutant se trouvera en présence d'un modèle, bien vivant celui là? Les coups de crayons ne seront plus là pour l'aider à traduire les masses de cheveux innombrables dans leur caractère, et pas davantage pour percer le mystère de l'ombre de la joue.


Les partisans de la méthode de dessin "d'Après Les Maîtres"

m'objecteront peut-être que l'élève, après avoir appris a dessiner comme les Maîtres, saura comment s'y prendre par la suite pour réaliser un portrait, un paysage, une nature-morte, ou une composition de son choix. Qu'il me soit permis d'en douter, car en admettant que l'élève réussisse un jour à assimiler le style de certains maîtres du passé au point de réaliser à son tour un portrait dans le genre de François CLOUET par exemple, ce portrait n'aura aucune valeur. Il s'agira d'un faux CLOUET, un de plus et à mon humble avis, l'élève ne devra pas se permettre de signer son dessin, ce qui serait de la plus élémentaire probité.
Rendons aux maîtres du passé, le talent qui leur appartient, à eux seuls. S'ils sont parvenus à l'imposer, c'est parce qu'ils se sont exprimés avec un langage nouveau qui leur était propre, non avec celui de leurs devanciers. Parcourez les innombrables galeries, salons ou expositions, et pour quelques toiles vraiment originales, combien de centaines, de milliers de toiles, même, nous donnent l'impression d'avoir été déjà vues, ailleurs. Combien de toiles signées: Perre, Paul, Jacques, nous font aussitôt songer à tel ou tel maître du passé ou du présent? Il y a parait-il, environ 100 000 peintres en France, mais pour quelques chefs de file, combien de suiveurs?

Il faut être aveugle en vérité

pour ne voir que des avantages dans les dessins d'après les maîtres. Il s'agit, à mon sens, d'une arme à double tranchant bien dangereuse à manier entre les mains inexpertes des enfants. Ces derniers peuvent-ils avoir la certitude de pouvoir se dégager, le moment venu, de l'influence exercée par les maîtres au détriment de leur personnalité et vraisemblablement à leur insu? Encore faudrait-il qu'ils le veuillent, bien sûr. Il ne suffit pas, d'autre part, de vouloir, il emporte aussi de pouvoir rompre avec une façon de procéder qui ne leur sera plus d'aucun secours. Il est à craindre en effet que les élèves soient handicapés pour longtemps et peut-être pour toujours par des tics pour le moins gênants. Je ne puis m'empêcher d'établir une comparaison avec ceux qui acceptent de faire, momentanément, de la peinture dite commerciale, avec le désir de s'en détacher ultérieurement, pour réaliser enfin une peinture moins alimentaire et plus marquée d'art. Rares seront ceux qui échapperont aux tentacules inexorables de la facilité.
"Les dessins d'après les maîtres", voilà un titre qui sonne bien et susceptible d'impressionner tous ceux qui confondent cadre et toile, peinture et confiture! Quel sujet d'admiration pour eux et d'étonnement pour d'autres, que de se trouver par exemple devant un ravissant petit dessin au crayon, géniale copie d'une oeuvre de GEORGES DE LA TOUR! Il s'agit bel et bien d'un dessin au crayon réalisé d'après une peinture!

Comprenne qui pourra,

quant à moi, cela dépasse mon entendement! Je m'étais imaginé jusqu'à ce jour que si le dessin était une chose, la peinture était une autre, et que l'un et l'autre avaient leurs problèmes respectifs, qu'il convenait de ne pas confondre. Autant que je sache, la peinture n'a pas été conçue et réalisée pour être recopiée ensuite au crayon! Etant donné l'abîme qui sépare la technique de la peinture et du dessin, l'élève se trouvera devant un problème insoluble, car il ne peut être question de concilier les caractères si particuliers de la peinture et du dessin, les possibilités de ce dernier étant on le sait très restreintes, surtout en regard de la peinture. Une peinture d'autre part, s'élabore en fonction, non seulement du dessin, mais aussi de la couleur, dont l'importance n'a pas besoin d'être soulignée, alors que le crayon l'ignore lui, et pour cause, dans le dessin. Décidément, tenter de reproduire une peinture, avec un crayon, est une hérésie! L'optique du peintre armé de pinceaux ne saurait être celle du dessinateur, car alors les mots: peinture et dessin, perdraient toute signification.
De François CLOUET à GEORGES de la TOUR, nous arrivons à INGRES puis à CEZANNE. Il faut aller vite, que diable, et évoluer aussi! Ne sommes nous pas d'ailleurs à l'âge des fusées ? De l'audace donc et allons demander au vieux maître d'Aix, un peu de sa lumière méridionale pour éclairer nos lanternes! Un obstacle cependant se dresse devant nous, et il est de taille. Comment, en effet, traduire au crayon l'harmonie des couleurs si richement orchestrée dans les natures mortes de Cézanne? Nous savons bien que CEZANNE est un grand peintre mais on ne saurait trouver dans son oeuvre l'exceptionnelle habileté de RENOIR ou de DEGAS par exemple. Les tableaux de nos plus grands maîtres, et de CEZANNE en particulier, décèlent d'évidentes faiblesses d'exécution, qui s'ávanouissent au regard de la qualité maîtresse qui suffit à leur donner de la valeur. Encore faut-il avoir un goût très sûr et une formation artistique assez éprouvée, pour découvrir la beauté véritable dans sa gangue. Je ne pense pas que les élèves tenus de reproduire une toile de CEZANNE, soient tous aptes à saisir l'esprit qui a guidé la main du maître.
Ne risquent-ils pas de prendre les défauts pour des qualités et réciproquement ? Ne peut-on pas redouter, en effet, que les inévitables faiblesses d'exécution, les fautes involontaires de proportions, de perspective, d'anatomie, que sais-je encore, soient considérées par eux, comme autant de traits de génie? Non, le poisson a beau être de qualité, ces n'est pas une raison pour avaler les arêtes!
Reconnaissons encore, qu'il est fort improbable que l'homme moderne puisse pénétrer la pensée de chacun des maîtres du passé, dans toute sa profondeur. Le Moyen-ãge et la Renaissance sont bien loin derrière nous, perdus dans la brume des temps et toutes les écoles en " isme " s'estompent à leur tour. Les idées se propagent et se multiplient dans un monde qui évolue de plus en plus vite. Les moyens eux-mêmes ne sont plus de nos jours ce qu'ils étaient jadis. Les progrès de la science ont révolutionné la plupart des techniques et dans le domaine de la peinture, la gamme des couleurs ne casse de s'étendre en qualité et en quantité. Dans ces conditions, pourquoi dessiner et peindre comme autrefois ? Les architectes et les sculpteurs ont-ils peur, eux, d'être de leur temps? Il nous suffit de regarder tout ce qui entoure pour nous convaincre du contraire. Les nouveaux matériaux créés par le génie de l'homme, sont susceptibles de réaliser aujourd'hui, ce qui hier paraissait impossible.
Il semble d'autre part bien établi que les adeptes du dessin d'après les maîtres, portent leur choix de préférence sur certains maîtres, plutôt que sur d'autres. Leurs élèves ne risquent-ils pas d'avoir ainsi des oeillères sur le vaste monde de la peinture? Il est à noter que seuls les dessins et les peintures dont la reproduction comporte le moins de difficultés techniques, leur sont proposés comme modèles. Les autres sont tenus dans l'ombre, et pour cause! ...Il est certain que les peintures de REMBRANDT, de FRANZ HALS, de MANET ou de MONET donneraient aux élèves, beaucoup de fil à retordre, même aux plus habiles. Quant à la plupart des modernes, inutile d'y penser. Est-ce là, malgré tout, une raison pour les ignorer? Je ne vois pas très bien, qui serait en mesure de prouver que ces oeuvres là ne sont pas aussi valables que les autres, leurs aînées.
Si c'est tenter l'impossible que d'entreprendre la reproduction intégrale d'un grand nombre de peintures aux techniques diverses, c'est courir le même risque avec les dessins. Tous ceux qui nous ont été légués par la postérité n'offrent pas toujours la même rigidité linéaire que ceux de Monsieur INGRES. Qu'il me soit permis d'évoquer devant vous, les admirables dessins de VAN GOGH, un grand maître lui aussi, il me semble. Essayez donc de les reproduire ... si vous le pouvez!



Après avoir tiré le signal d'alarme

devant quelques uns des indiscutables dangers que comporte la méthode de dessin d'apres les maîtres, il me faut encore soulever un autre problème: celui des reproductions photographiques. Tous les élèves n'ont évidemment pas la possibilité de se rendre dans les grands musées du monde pour travailler "d'après les maîtres". Leurs dessins ou peintures sont donc réalisée à l'école, non pas en présence de l'original, bien sûr, mais d'une simple reproduction photographique, colorée ou non. "Faute de grives, on mange des merles"! Nous voici donc en présence de photographies tirées à des centaines ou des milliers d'exemplaires, dont la différence avec le modèle est plus ou moins criante. Si la copie peinte, aussi bonne soit-elle, ne saurait remplacer l'original, que penser alors des reproductions photographiques? Il est certain que la photographie a réalisé des progrès remarquables, mais elle ne peut se comparer à la peinture. Songez, par exemple à ces innombrables reproductions de peintures de CEZANNE, de VAN GOGH ou de GAUGUIN que l'on voit pour ainsi dire partout, combien elles sont différentes entre elles - comme elles le sont tout autant par rapport a l'original - d'une façon parfois choquante.
L'élève a-t-il conscience d'autre part devant la reproduction, de se trouver en présence de la peinture? Je ne le pense pas. Les sentiments éprouvés devant une photographie aussi belle soit-elle, ne sauraient se hisser à la hauteur de ceux éprouvés devant la nature. Ils ne sont pas de la même qualité, voilà tout. La différence est aussi sensible entre la peinture et sa reproduction photographique. L'élève doit se sentir plus proche de la joliesse de la feuille de papier que de la beauté de l'original. Il ne saurait éprouver ce choc, cette petite émotion qui nous étreint tous plus ou moins, selon notre culture et notre degré de sensibilité, en présence d'une véritable oeuvre d'art.

Il faudrait avoir une bien piètre opinion de la peinture,

en vérité, pour la descendre au niveau de sa reproduction photographique. Si la peinture est une chose, la photographie en est une autre. Elles ne sauraient se comparer et leur domaine n'étant pas le même, il est bien évident qu'elles ne devraient pas se nuire. Devant la reproduction photographique d'une peinture, nous n'avons pas comme devant l'original le sentiment de nous trouver en présence de l'artiste. Seule la main du peintre peut insuffler la vie qui circule dans la moindre ligne, dans la moindre trace de couleur ou de matière accrochée au papier ou à la toile. Voilà ce qui séparera toujours l'oeuvre du peintre de celle du photographe. Devant un paysage, nos yeux se fixent irrésistiblement à notre insu d'abord sur ce petit point blanc à peine perceptible qu'ils devinent cependant être-une maison, sur cette route ou encore cette barrière, bref sur la moindre empreinte de l'homme sur la nature asservie. L'homme recherche la présence de l'homme, et dans le domaine de l'art, il la trouve d'une façon plus sensible sur la peinture que sur la photographie. Sur cette dernière la matière ne peut être que celle de la feuille de papier, donc égale partout. Le grain de papier de la reproduction photographique a peu de chances de correspondre à celui du dessin original. S'il s'agit d'une peinture, la différence est encore plus grande, surtout si nous nous trouvons en présence de matières très épaisses et très rugueuses.
Il y a, il est vrai, le cas devenu célèbre d' UTRILLO, peignant d'après des cartes postales. Il n'en est pas moins vrai que tous les peintres ne s'appellent pas UTRILLO. Tous n'ont pas le degré de sensibilité extrême du maître de la butte Montmartre, qui lui permettait de se servir de la carte postale comme d'un simple document, sans en être l'esclave. Il est donc faux de prétendre qu'UTRILLO copiait des cartes postales, tout comme les écoliers devant les reproductions de dessins de maîtres. UTRILLO ne pouvait évidemment pas de par sa nature, faire abstraction de sa personnalité devant une froide carte postale. Il n'était pas de la même trempe que ceux qui se contentent de réaliser un banal agrandissement photographique dépourvu de vie. Point n'est besoin de comparer ses oeuvres avec ce qui, en principe, lui servait de modèle; il suffit seulement de se remémorer l'une de ses toiles. C'était là, à n'en point douter, le paysage lui-même que le peintre revoyait à travers la carte postale. Cette dernière n'était pour lui qu'un moyen de revivre plus sûrement au delà des apparences, tout ce que son extrême sensibilité de peintre avait pu glaner au cours de sa vie, dans toutes les rues et ruelles de son vieux quartier.
Certains peintres n'ont pas hésité dans le passé à reproduire, accidentellement il est vrai, certains tableaux de maîtres, c'est un fait. Encore convient-il de noter qu'il ne s'agissait pas de copies serviles. Je me contenterai de citer comme exemples, la " PIETA " de VAN GOGH d'après DELACROIX et tout récemment " LES MENINES " de PICASSO d'après VELASQUEZ. Il est à remarquer que les études de ce genre ne présentent pas un bien grand intérêt, ce qui s'explique surtout du fait que les fortes personnalités ont naturellement beaucoup de mal à s'effacer devant le talent des autres. VAN GOGH devant DELACROIX, demeure toujours VAN GOGH. "LE SEMEUR " de ce dernier ne peut être confondu avec celui de MILLET et quoique traité d'une façon plus vigoureuse, il n'a pas comme le second, l'auréole de l'original.
Les livres d'art, les expositions, les rétrospectives ne nous permettent pas toujours de nous faire une juste opinion sur les maîtres de la peinture, surtout en ce qui concerne les modernes. Il s'avère en effet que dès que le talent d'un peintre a été reconnu aussi bien de son vivant qu'après sa mort, on s'empresse aussitôt de donner en patûre au public, la totalité de son oeuvre, sans le moindre scrupule apparent. Depuis l'oeuvre maîtresse, jusqu'à la plus mauvaise copie de maître, tout est présenté, trop souvent, sur le même pied d'égalité.
Les peintres des grandes civilisations disparues ont atteint le grand art, sans avoir connu et à plus forte raison copié les tableaux de la Renaissance à nos jours. Sur qui donc auraient-ils pu copier, les premiers peintres de Lascaux et de la préhistoire? Les véritables grands maîtres de la peinture sont ceux qui ont découvert un nouvel aspect de leur art. Enrichir le patrimoine pictural d'un apport nouveau, là est le but que chaque peintre se doit de poursuivre. Si le métier s'apprend, l'art, lui, ne s'apprend pas et le fait de reproduire les oeuvres des maîtres du passé, qui eux, furent de leur temps, ne me semble guère indiqué pour découvrir à notre tour le langage nouveau qui doit être le nôtre, C'est suivre l'exemple de nos maîtres que de ne pas les imiter.
Remémerons nous, à présent, ce que nous disait Gauguin : "En art, on ne peut être que révolutionnaire ou plagiaire". André Lhote, à son tour, ajoutait plus tard : "tout ce qui est "néc" est odieux et stérile". En vérité, il ne me semble pas souhaitable de chercher à convaincre les enfants à voir, non plus avec leurs propres yeux, mais avec ceux des générations antérieures. Tout l'intérêt de la peinture, n'est-il pas d'arriver à s'êxprimer avec les moyens de tout le monde, d'une façon différente des autres? Bornons nous donc à admirer comme il se doit les oeuvres des maîtres, regardons les bien à distance convenable et efforçons-nous de saisir leur message. Approchons nous d'elles à présent et tâchons de déceler toutes les subtilités de la technique ...cela doit suffire assurément. Intéressons nous au plus grand nombre possible d'oeuvres anciennes ou modernes et ne fermons plus nos yeux sur les tendances actuelles, conséquence naturelle et inéluctable de l'évolution de la peinture. Respectons ces grands peintres du passé qui furent les maitres de leur Ecole, non de la nôtre, et en conséquence, ne perdons pas notre temps à vouloir les copier ... ils pourraient se venger!



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