Couliou par Jesus



Je le vois encore ...

Dupuy-de-Lôme n'est plus! Celui de la rue de La Belle Fontaine. Mais je le vois encore, lui, qui presse le pas, mèche noire en bataille; son grand carton à dessin sous le bras, bien serré contre l'imperméable. Il s'en va vers sa salle de classe. Comme toutes les autres, elle se trouve dans l'une des longues baraques canadiennes, sous les beaux arbres que l'automne enflamme et que les gris aux nuances sans fin projettent en avant.

Les éleves sont en rang. La voix claque, un peu militaire: "Entrez!"

Nul besoin d'ajouter: "en silence": les petits sixièmes savent déjà qui il est. C'est "Picasse", et il ne plaisante pas. Avec le cours pourtant, l'enchantement commence. A mesure qu'il parle, il se transforme surtout craie en main. Il explique les formes de l'objet choisi ce jour-là. Une chaise, une boîte d'allumettes, un pichet, un bol. Tout ce qu'il a pu trouver chez lui et qui l'intéresse pour son cours, il le dissèque devant les yeux ébahis ou distraits. Et voilà qu'au tableau noir, la chose cesse, sous les traits nerveux, précis, d'être une simple chose. Elle s'anime chargée d'une présence que la nature ne lui avait pas donnée: "Pensez à Van Gogh - les objets ne sont pas inanimés - lorsqu'ils sortent de la main de l'homme, ils ont une âme - la vôtre". L'heure n'a duré qu'un instant. Dehors c'est une autre réalité qui nous attend. Il faut ainsi attendre une semaine interminable pour que le charme opère de nouveau. Et cette fois il vibre plus que jamais: il nous parle de ce qui le remue plus, la lumière. Sa quête constante. Il nous apprend à la considérer avec respect.

 

La lumière. Sa quête constante

N'est-elle pas toute puissante? Ne fait-elle pas surgir les formes du chaos? N'est-elle pas aussi la dévoreuse des détails et même des couleurs? Suit une démonstration, convaincante: le rai de lumière est projeté sur la feuille noire, qui fait disparaître à l'endroit de l'impact, la couleur. C'est magique! Après cela on peut passer à l'exercice des gradations. Un autre jour, il nous initie à la composition. Il recommande de ne jamais oublier que l'oeil a besoin de se poser sur une partie de la toile après l'avoir parcourue. Le sien est d'une acuité qui surprend. Nous l'avons vu tel celui du rapace se poser un instant sur le modèle puis fondre sur lui, en arracher la silhouette pour la projeter avec force sur le tableau. La vitesse d'exécution saisit - la justesse du trait, davantage. Mais c'est bien plus tard que je serai en mesure d'apprécier la vigueur du dessin.

Il fait découvrir la nature à ses élèves

Ajoutons encore que mieux que le professeur de sciences naturelles, il fait découvrir la nature à ses élèves. De ses poches, il extrait tantôt des galets au grain aussi délicat que celui d'une peau fine, tantôt une pierre rongée par le temps et que des mousses recouvrent; encore, un bout de liège ou un coquillage. Et à chaque fois le miracle a lieu: par l'observation des détails notre imagination s'éveille. Nous sommes en pleine découverte: "Tout est dans la nature. L'homme n'a rien inventé." Et Couliou sourit. Il sourit encore lorsque le cours fini, il classe les travaux des élèves. Il constate les résultats de son enseignement et il a déjà en tête une exposition. Que de prix obtenus à l'UFOLEA ou ailleurs!

Déjà la matière!

J'ai eu le grand bonheur de l'avoir comme maître puis de devenir son ami. J'ai surtout bien connu sa période lorientaise. Oh ses épaves! Ces restes du récent conflit, ces restes de bateaux ivres pourrissant dans les eaux de Lorient, qui représentent si bien les hommes échoués. C'était l'époque des bitumes, des verts de pierres usées par les intempéries, avec aussi de soudaines zébrures, des éclaboussures de lumière, de lourds empâtements. Déjà la matière! C'était l'époque aussi de la lutte dans tous les sens, de la gêne toute présente avec les soucis. Peinture dure que celle-là. Toute une partie de sa vie!

C'est de donner à partager l'émotion qui le submerge

Vint ensuite comme étape importante dans sa production, son incursion, longue il est vrai, dans l'abstrait, mais toujours avec des recherches à partir de son environnement inmédiat. Cette étape est aussi très importante pour ce qui est de la matière, la mère par excellence, et le comportement de celle-ci sous les effets de la lumière. Tout est bon qui lui tombe sous la main alors pour appliquer la couleur: allumettes, brindilles, papiers froissés, pinceaux aux poils usés. L'essentiel c'est de donner à partager l'émotion qui le submerge.

Couliou a fini de lutter!

Par la suite, avec le succès mérité, l'esprit s'est rasséréné et les duretés estompées ont fait place à l'harmonie. Mais pas à l'harmonie froide: trop de douceur de vivre s'en dégage, trop de bonheur aussi. Couliou a fini de lutter!

Jesús Alonso










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