Art et enseignement



Apprendre à dessiner correctement, c'est déjà beaucoup,

mais là ne doit pas se borner le rôle du professeur de dessin, la formation du goût est tout aussi importante pour la culture de l'enfant.

C'est évidemment une bien lourde responsabilité

pour le professeur de dessin à qui incombe en principe la formation du goût de centaines d'élèves à raison d'une heure par semaine. Cependant si le professeur de dessin ne peut, ou ne veut s'en charger, qui donc l'acceptera par ailleurs? Quel autre professeur pourra se substituer à lui, pour redresser le mauvais goût des uns et développer le bon goût des autres?
Le fait pour un élève de savoir représenter correctement une bouteille ou un moulage ne prouve pas qu'il ait bon goût pour autant. On peut avoir acquis le sens des proportions, posseder de solides connaissances en perspective et en anatomie, et n'être point éclairé cependant en matière d'art. L'esthétique du tableau me semble susceptible de combler dans l'enseignement une lacune regrettable, ce qui contribuera à accroître encore davantage l'intérêt du cours de dessin d'art.

 

Si les peintres évoluent nécessairement au contact journalier

de la peinture et des idées nouvelles qui éclosent et se répandent de plus en plus rapidement dans le monde entier, le public qui, dans son immense majorité n'a pas été initié à la peinture, en est toujours à la carte postale. Il est indéniable qu'il existe un divorce entre le grand public et les peintres surtout les abstraits ou catalogues comme tels. Pour le premier, la peinture c'est l'art de représenter par ordre de ses préférences des fleurs, des natures mortes ou des paysages tels qu'ils se voient. Un tel préjugé l'empêche d'aller au devant de l'oeuvre d'art et d'en saisir le contenu qui ne s'adresse pas uniquement aux yeux. Il s'ensuit que la faveur du public se porte plus volontiers vers les peintres qui ont choisi délibérément de flatter son mauvais goût, quant aux autres, ils sont impitoyablement, considérés comme des escrocs, des fous ou des fumistes. Du moment que l'on ne voit pas ce que cela représente, le peintre est un original qui cherche à se faire remarquer à tout prix! Le public peut difficielement admettre qu'en matière de peinture, son point de vue ne soit pas aussi valable que celui de l'artiste. Chacun s'imagine avoit bon goût et celui qui a mauvais goût, c'est évidemment l'autre. Nul ne se risquerait de discuter, sur un pied d'égalité, d'astronomie avec un astronome réputé, de mathématiques avec un grand mathématicien, de littérature avec un académicien, de musique avec un musicien célèbre, mais en ce qui concerne la peinture, n'importe qui dans la rue se croit qualifié pour donner son avis.

Tout le monde peut se vanter d'avoir du goût

sans risquer de se tromper, mais il importe que chacun sache que ce goût peut être bon, comme il peut être mauvais. Il y a de fortes chances pour que le bon goût soit davantage du côté de ceux qui s'intéressent de pres à tout ce qui touche à l'art. Le goût se forme dès l'enfance en bien ou en mal selon le milieu, le décor dans lequel on vit, et l'éducation reçue.
L'influence de l'éducation est incontestable pour la formation du goût. S'il en était autrement, comment expliquer une telle différence de résultats dans la confrontation de dessins d'enfants du même âge qu'un hasard heureux ou malheureux a placés dans des écoles différentes? Cette différence se manifeste, qu'on le veuille ou non, de l'école maternelle à l'école des Beaux-Arts, en passant par le secondaire ou le technique.

En ce qui concerne la peinture,

pourquoi s'étonner que le public ne perçoive pas son sens véritable, alors qu'à l'école, au cours de français, ce mot est mêlé à toutes les sauces, notamment lorsqu'il s'agit de description.

Savoir lire, écrire, compter et dessiner correctement,

c'est bien certes, mais je ne pense pas qu'il soit superflu d'apprendre à voir les oeuvres d'art, de ne pas demeurer insensible en leur présence, et au besoin de pouvoir critiquer valablement. Force nous est de reconnaître de nos jours encore, que la grande masse des gens ne songe nullement à s'intéresser à un art de leur choix, lequel serait cependant susceptible d'embellir leur vie.

Le bon goût en matière d'art ne s'acquiert pas avec les honneurs,

la richesse ou les plus enviables références universitaires. Il n'est pas davantage l'apanage de telle ou telle classe sociale. C'est seulement par une culture artistique bien comprise qu'il aura la possibilité de s'épanouir. Le bon goût peut, en effet, se cultiver dès l'enfance, en parfaite harmonie avec tout ce qui peut être appris à l'école.
C'est une erreur de croire, d'autre part, que les goûts et les couleursne se discutent pas! Discutons en au contraire, cela en vaut la peine, assurément. Nous ne devons pas, en effet, demeurer indifférents à la lutte que se livrent la beauté et la laideur, et en art aussi il nous faut choisir entre le bien et le mal. Le danger est certain, et il nous suffit d'ouvrir les yeux pour constater que le bon gôut n'est pas présent partout et que le plus souvent c'est le mauvais qui triomphe dans tous les domaines, y compris celui de l'art, aussi bien en architecture qu'en sculpture, peinture, décoration, céramique et j'en passe.

Il est de bon ton aujourd'hui de dédaigner l'enseignement artistique, nuisible disent certains, à la personnalité du peintre. Ils sont de plus en plus nombreux ceu qui se vantent de ne pas savoir dessiner, ce qui ne les empêche pas, disent-ils, d'avoir réussi! Le résultat, vous le connaissez, vous pouvez le voir et le juger en visitant les galeries d'art et les salons de toutes tendances figuratives ou abstraites.
D'autre part, l'école n'a pas d'autre prétention que de débarrasser l'élève de sa gangue d'ignorance. De même que le professeur de français ne peut avoir la prétention de former à coup sût de futurs prix Goncourt, de même le professeur de dessin ne peut avoir la certitude de former de futurs grands peintres.

Etant données les conditions peu favorables

dans lesquelles se présentent les cours de dessin dans nos écoles, il est pratiquement impossible d'obtenir de grandes choses des élèves, C'est ainsi que le professeur se trouve en présence d'une nouvelle classe d'élèves toutes les heures. Lorsqu'enfin l'éleve a réussi à se détacher par la pensée du cours précédent pour ne plus penser qu'à son dessin, la sonnerie retentit! Sauve qui peut ... l'anglais est en vue! On peut donc se demander si un cours de dessin peut être conduit de la même façon qu'un cours de français ou d'histoire, Sans doute que non, ne serait-ce que pour des raisons matérielles: installation du modèle qui diffère d'une classe à une autre, distribution de l'eau, préparation de la palette, etc.... Reconnaissons qu'une peinture ne peut se réaliser sur le plan technique avec la même aisance qu'une composition de français. Le contact avec la matière, voilà bien ce qui différencie à mes yeux la peinture de la littérature. La peinture ainsi que le dessin peuvent également être considérés comme des travaux manuels qui exigent un entraînement constant si l'on désire réaliser des progrès dans ce domaine. Les mains et l'esprit doivent s'éduquer parallèlement. Un certain laps de temps s'impose selon que l'on dessine tous les jours, une fois par semaine ou par mois, avant que la main puisse recouvrer toute l'habileté préalablement acquise.
Il faut le temps de s'adapter avant l'effort décisif, tout comme le sportif. La classe de dessin se détachera vraisemblablement, de plus en plus de sa forme actuelle pour devenir ce qu'elle aurait toujours dû être: un atelier dans lequel les élèves auraient la possibilité de travailler dans les meilleures conditions. Il serait alors possible de pousser davantage les études peintes ou dessinées, tout comme dans les écoles de Beaux-Arts ou des Arts décoratifs. Il est évident que la sonnerie qui fait sursauter régulierement toutes les heures les professeurs et les élèves, ne signifie pas pour autant que la tâche commencée est terminée, pas plus que la sonnerie de notre réveil signifie que nous n'avons plus besoin de sommeil.

On ne peut que se réjouir,

dans ces conditions, qu'en dehors du cours de dessin les bons élèves puissent parfaire leur éducation artistique, surtout d'après nature sur les dessins dits d'observation, à moins qu'ils ne se fassent taper sur les doigts pour s'intéresser à une matière qui ne paie pas aux examens. C'est le jeudi que l'élève aura le plus de chances de trouver quelques loisirs pour dessiner, sans oublier bien sûr les vacances. Ceux qui ignorent le dessin ne peuvent se faire une idée du bonheur réel éprouvé par ceux qui reviennent d'une excursion ou d'une simple promenade, non pas les mains vides mais avec un ou plusieurs dessins, ou un simple carnet de croquis. Combien d'enfants s'ennuient durant les vacances pour de multiples raisons, ne serait-ce que lorsque le temps est pluvieux? Plutôt que de se morfondre derrière les rideaux de leur chambre en épiant une éclaircie problématique, le maniement des couleurs aurait vite fait de leur faire oublier la grisaille extérieure.
Le dessin présente un incontestable avantage sur la plupart des matières enseignées à l'école, du fait que les progrès acquis demeurent acquis. On apprend à dessiner et à peindre correctement pour toujours, comme on apprend définitivement à nager ou conduire une voiture. Point n'est besoin de révisions, ou ce qui est encore plus facheux, que réapprendre, cela ne saurait s'oublier. Je ne pense pas qu'on puisse, par contre, en dire autant de l'histoire, de la géographie, des sciences ou des mathématiques, notamment.

Un tel avantage devrait permettre au dessin de servir de base aux autres matières.

Le dessin est un moyen d'expression aussi valable qu'un autre. C'est de plus une langue internationale et on ne peut que regretter que son enseignement ne soit même pas aligné a la hauteur des langues vivantes ou des langues mortes! Nombreux sont pourtant ceux qui pensent que l'histoire de l'art, la formation du goût, apprendre à voir, à dessiner et à peindre, que tout cela doit avoir assurément autant d'importance pour la culture générale des petits Bretons que la connaissance de l'espagnol par exemple. Peut-il être encore question de culture véritable dans un enseignement qui minimise à ce point l'importance de l'art?
L'utilité du dessin n'est plus à démontrer et cependant certains ne veulent pas encore se rendre à l'évidence et reconnaître le lien existant entre le dessin et les autres matieres. Le temps qui lui est sacrifié n'est pas du temps perdu et il faut être aveugle pour ne pas voir les divers avantages que peuvent hériter du cours de dessin, chacune des matières enseignées à l'école. Ce ne sont pas les professeurs de géographie ou de sciences naturelles qui me contrediront sur cette question, ni cet inspecteur général de l'enseignement qui s'exprimait en ces termes au récent congrès des cahiers pédagogiques de Strasbourg: "on nous demande s'il existe des disciplines fondamentales et on nomme le français, les mathématiques, les langues. Pour ma part, j'ajouterais le dessin. Il y a des enfants qui expriment beaucoup plus facilement leurs idées par un dessin que par le langage, et cette expression par le dessin peut les mettre sur le chemin d'une expression française juste et riche. Le professeur de français devrait donc utiliser le dessin. Le professeur de mathématiques devait être un professeur de dessin. le professeur de physique devait faire exécuter des croquis d'appareils à l'échelle".
La conception de l'enseignement du dessin diffère selon les écoles, qu'elles soient des Beaux-arts, du secondaire ou du technique. C'est un bien dans la mesure où cette différence peut être de nature à susciter l'émulation des uns et des autres et permettre à l'enseignement d'évoluer en ne se laissant pas paralyser par l'académisme. Il est cependant regrettable que les divers ordres d'enseignement ne puissent accorder leurs violons sur des questions uniquement d'ordre technique. Selon que l'on prépare tel ou tel concours d'admission, tel ou tel professorat, il convient de dessiner à chaque fois, d'une façon différente. Ne-serait-il pas possible de se mettre d'accord sur certaines notions fondamentales de dessins ou de peinture? Aussi sûr que deux et deux font quatre en mathématiques, le mélange du bleu et du jaune donnera un vert, que l'on soit dans les écoles de la ville de Paris, dans les lycées secondaires ou techniques, à l'école des Beaux-arts de Paris ou à l'école des arts décoratifs.
De même qu'un bon élève en sciences n'a pas à redouter en cette matière la composition trimestrielle, un bon élève en dessin devrait avoir la certitude de réussir son dessin quel que soit le modèle. En peinture comme en dessin, l'élève doit être guidé, sinon il risque de piétiner, de tâtonner durant de longs mois ou de longues années avant de découvrir un jour peut-être, je dis bien peut-être, ce que d'autres auraient pu lui réveler dès l'école. Il existe des techniques susceptibles de servir de base de départ pour s'exprimer picturalement avec plus de chances de succès. Ces techniques pouvant être expérimentées en un temps relativement court, auraient l'avantage de s'adresser non plus à quelques rares élèves particulièrement habiles, mais à tous ceux qui seraient animés d'un désir sincère d'initiation à la peinture.
Nous savons que deux grandes valeurs se partagent le monde: l'ombre et la lumière. Sans l'ombre il ne peut y avoir de lumière et réciproquement. Le modèle quel qu'il soit peut se présenter aussi bien à contre jour qu'en pleine lumière. De l'observation des grandes lois de la nature nous pouvons donc dégager humblement les idées directrices pour tendre à notre tour vers l'harmonie. Le choix nous est donné entre deux solutions qui assureront le triomphe de l'ombre ou de la lumière.


Si la lumière est sacrifiée à l'ombre,

le sujet se présentera à contre-jour sur un fond lumineux de couleurs. Partir du blanc pour aboutir au noir, en passant par les couleurs, tel est le processus. Cela signifie qu'il faut partir de la lumière pour aboutir à l'ombre. Cette progression permettra au débutant comme au peintre en pleine possession de son métier, d'exalter dans une suite logique les contrastes de valeurs et les couleurs. Le dessin sera donc constitué par une architecture de lignes et de masses sombres qui se détacheront parfois, un peu comme un balcon en fer forgé vu à contre jour, devant la lumière extérieure.
Dans la seconde solution clest au.contraire l'ombre qui sera sacrifiés à la lumière et l'essentieI de la composition se détachera en pleine lumière sur un fond sombre suggérant l'ombre. A l'inverse du cas précédent, de l'ombre nous progressons vers la lumière par l'apport de couleurs de plus en plus claires. "La couleur" a dit d'Annunzio, "est l'effort de la lumière pour devenir matière".

Le fond ne sera pas obligatoirement recouvert de couleurs

sur toute sa surface, mais il conviendra alors d'étudier particulièrement sa teinte pour lui donner plus de présence dans l'harmonie générale de la composition. L'importance de ce fond sera d'autant plus grande qu'il servira de lien entre les différentes couleurs à venir. Exception faite pour l'aquarelle, peindre directement sur une feuille ou sur une toile non préparée est une erreur. Le support doit être préalablement recouvert,d'une teinte claire ou foncée. Devant une feuille blanche les débutants n'ont pas encore conscience de se trouver devant une surface, et pour eux, le fond c'est le vide. Cela s'explique par le fait que le papier n'est pas peint. La différence est certaine entre deux feuilles blanches dont l'une a été peinte à la gouache blanche. La matière n'est alors pas la même et cela se voit. Un fond préalablement peint ne demande pas nécessairement à être recouvert de couleurs ultérieurement, alors que sur un fond non préparé les vides produiront inévitablement un certain malaise, une impression d'inachevé, de bâclé même.
Pour la réalisation des fonds sombres, rien ne nous oblige à les recouvrir d'une teinte uniforme. Le fond peut être également cloisonné de couleurs différentes, et en ce cas, ce n'est que lorsque le dessin aura été solidement établi que l'on pourra songer au fond de couleurs. Ces dernières seront sacrifiées pour valoriser les couleurs définitives qui viendront se fixer sur les premières. Il est préférable d'utiliser des couleurs de plus en plus claires, celles du dessous demeurant les plus foncées. Cette technique permet au débutant de s'aguerrir très rapidement dans le maniement des couleurs. Il lui suffira de superposer soit des couleurs de la même famille, soit des complémentaires. Un jaune placé sur un rouge, un vert sur un brun, un ocre jaune sur un bleu, disposés de façon à un pas "boucher" la couleur du dessous, confèrent à la peinture un aspect moins superficiel que les à-plats décoratifs traditionnels.

Les mélanges de couleurs se font généralement sur la palette

avant d'être disposés sur le support. Certains peintres ne croient pas devoir broyer les couleurs, mais tout le monde ne saurait prétendre pouvoir obtenir d'heureux effets en s'y prenant de la sorte, du jour au lendemain. Les bons coloristes savent d'instinct rassembler sous leur brosse certaines couleurs qui font bon voisinage sur la toile, comme les bleus et les bruns par exemple. Par contre, les débutants eux, sont généralement attirés par les jaunes citrons, les bleus et les verts clairs comme le vert véronèse, ce qui leur vaut bien des mésaventures. Sans doute seraient-ils mieux inspirés en expérimentant d'abord la technique des à-plats qui consiste à employer des couleurs franches. Les couleurs seront dans ce cas suffisamment mélangées de telle sorte qu'elles ne formeront plus qu'une seule teinte. S'il n'est point nécessaire de mélanger toutes les couleurs de la palette pour obtenir des couleurs rares, il convient de savoir, par contre, que si nous nous contentons seulement de mélanger ue couleur avec du blanc, nous ne devons pas espérer obtenir une teinte qui soit une révélation. Si les couleurs pures ont parfois leur place dans l'harmonie recherchée, les gris colorés s'imposent le plus souvent. Le mélange des couleurs de base peut nous donner un nombre illimité de nouvelles couleurs et le choix n'est pas toujours aisé pour le peintre. Il est évident que la couleur devra non seulement être belle par elle-même, mais aussi s'accorder avec les couleurs avoisinnantes dans l'harmonie générale de la composition.

Après la finition du fond, il convient de songer au dessin sans lequel les couleurs ne compteraicnt pas plus sur la peinture que sur la palette. Il y a certes davantage d'esprit dans le dessin que dans les couleurs, aussi séduisantes soient-elles, et avant de songer à ces dernières il sera prudent de forger le dessin dans sa tête et pour plus de certitude de le fixer aussi sur le tableau à l'aide d'une couleur généralement plus foncée que celle du fond lui-même. Sur set échafaudage de lignes il sera alors possible de faire reposer les couleurs qui re détacheront sur le fond comme autant de tâches lumineuses. Sur le plan technique, retenons l'essentiel, à savoir que les couleurs du dessus seront en principe, plus claires que les couleurs du dessous. En cas d'échec il serait vain de chercher à améliorer la qualité des teintes claires en superposant d'autres teintes également claires. Ie plus sûr moyen de réussir sera de plonger à nouveau dans l'ombre les couleurs décevantes et sur cette nouvelle valeur foncée de fixer une seconde fois d'autres couleurs claires plus choisies. Les couleurs vives demandent å être utilisées en premier lieu, les plus claires suggérant naturellement la lumière ne devant se présenter que dans la phase finale de l'exécution.
La discipline de travail qu'il convient donc de s'imposer en tel cas est d'autant plus logique qu'elle obéit aux lois de la nature. C'est en effet au sortir de l'ombre que se présente dans toute sa splendeur la couleur qui dans sa marche vers la lumière sera progressivement absorbée par elle.

Il va de soi que cette technique est applicable aussi bien à la peinture figurative

qu'à la peinture non figurative et abstraite. Si elle ne peut avoir la prétention de donner à ses adeptes la certitude de devenir de grands artistes, elle aura quand même le mérite, je l'espère, de servir de base aux débutants, fatalement inexpérimentés. Je songe bien sûr au paysage, à la nature morte et à d'autres formes de peinture de tendance plus avancée, mais aussi à l'humble étude documentaire peinte, dont la traduction méthodique donnerait à l'élève une plus grande certitude qu'un problématique miracle providentiel. Là encore la technique la plus efficace demeure la même, à savoir que l'étude documentaire doit d'abord se présenter dans l'ombre avant qu'un judicieux éclairage ne vienne affirmer sa structure et magnifier les couleurs et les matières. Bien entendu la couleur de l'ombre ne sera pas obligatoirement la même partout et surtout pour les études documentaires, un fond de couleurs à l'aquarelle traduira mieux la transparence. Par contre, l'apport de la lumière nécessitera sur l'étude documentaire comme sur la peinture, l'emploi de couleurs denses et opâques. Il est évident que les couleurs à l'aquarelle ne sauraient se voir suffisamment sur un fond sombre, car seule la blancheur de la feuille a le pouvoir de leur donner toute la lumière désirable. Pour devenir lumineuses, les couleurs devront donc sur une valeur sombre être délayées, au besoin avec plus ou moins de blanc, selon l'intensité colorée désirée.

Dans le domaine de la peinture dite figurative,

les débutants, enfants ou adultes, se heurtent au sujet qui dans cette forme de peinture soulève pour eux un trop grand nombre de problèmes, ne serait-ce que les proportions, la perspective linéaire et atmosphérique et l'anatomie -notamment-. Résoudre ces derniers est une oeuvre de longue haleine car apprendre à voir et à représenter n'est pas une chose aussi facile que le prétendent certains. L'impossibilité quasi absolue pour le débutant de concilier dans son oeuvre d'une part la peinture et de l'autre les apparences de la réalité, doit í'incliner au départ à la modestie et à ne pas tenter l'impossible dans l'immédiat, car les coups d'essais ne sont pas tous des coups de maître; Que peut-il espérer en s'attaquant d'emblée à un portrait, une composition avec personnages, une nature-morte ou un paysage? L'étude documentaire elle-même, la plus simple qui soit, se dressera inévitablement devant lui comme une montagne d'obstacles infranchissables.
Il est vain de vouloir dessiner si on ne sait pas se servir de son crayon, et davantage encore, sans doute, de vouloir représenter quoi que ce soit, sans avoir la moindre notion de dessin ou de peinture. Rien ne sert de placer la charrue avant les boeufs, c'est l'évidence même.
Le fait, pour un débutant, de représenter une seule feuille au lieu de plusieurs disposées sur une branche est une preuve de bon sens, mais ne serait-il pas encore plus sage avant de traduire la feuille, de réaliser un certain nombre d'exercices au crayon et à la peinture qui auraient l'avantage de donner les moyens indispensables pour réussir? On ne peut prétendre qu'une feuille morte soit le modèle le plus facile qui soit et à la portée d'un élève n'ayant jamais dessiné. Sur le plan technique, la difficulté est partout pour celui qui débute, et nulle part pour celui qui connaît son métier. Pour ce dernier l'étude d'une chaise, d'une bouteille ou d'un morceau de pain, ne doit pas présenter plus de difficultés que l'étude d'une fleur, d'un bourgeon ou d'une feuille.

Les débutants seront donc bien inspirés de ne pas s'attaquer à des dessins

ou des peintures trop au dessus de leurs forces. Il serait assurément souhaitable qu'ils puissent acquérir dès le départ, l'essentiel de ce qui peut être appris, sur le plan technique. Par la suite, un entraînement progressif joint a la formation du goût leur permettraient d'aborder efficacement des sujets plus ambitieux. Un artiste-peintre ne devrait-il pas être capable de faire d'abord un bon peintre en bâtiment? Ils ne seraient certes pas rares ceux qui auraient beaucoup a apprendre au contact d'un métier qui exige plus de qualités et de science qu'on ne le suppose généralement.

Pour le maître, comme pour l'élève,

il convient de chercher davantage à convaincre qu'à éblouir. A l'école on doit se contenter d'apprendre car on ne peut songer a la récolte tant que le grain n'a pas été semé. Sur le plan artistique, il serait bien téméraire d'exiger de chaque élève une oeuvre qui soit un aboutissement. Le travail réalisé à l'école s'épanouira naturellement à la sortie. L'enfant devenu adulte et livré à lui-même aura enfin la possibilité de s'exprimer sous une forme plastique, à condition d'avoir quelque chose à dire.
Il n'est cependant pas nécessaire d'attendre la fin des études pour aborder le dessin, notamment les études documentaires, mais au lieu d'exiger de l'élève un travail trop grand, trop long et impersonnel, parce que toujours marqué de l'empreínte du maître, il serait sans doute préférable de multiplier au contraire les exercices sans grande prétention artistique mais susceptibles cependant d'enrichir très rapidement un métier par ailleurs si long à acquérir par soi-même. Tel exercice s'adaptera mieux que tel autre au tempérament de tel élève et sera peut être le point de départ de l'éclosion d'un nouveau talent. Il appartient au professeur de permettre à l'ignorant de franchir les étapes plus rapidement et plus sûrement aussi, sur la longue route des nécessaires études.

L'étude des volumes, des couleurs et des matieres

s'impose donc naturellement avant d'entreprendre quoi que ce soit, même les études documentaires. Que les débutants se persuadent qu'il ne peut être question d'art dans ce domaine et que doivent être exclues toutes les vaines recherches plus ou moins valables ailleurs, sur le plan artistique. Les paysages et les nature-mortes peuvent être étudiées d'une façon aussi objective que les études documentaires. Elles sont plus révélatrices des qualités et des défauts, que certaines études plus interprétées dans le sens de l'art. Devant ces dernières, il n'est pas toujours possible de deviner avec certitude si le peintre a du métier ou non; s'il est capable éventuellement de réprésenter correctement l'objet le plus simple qui peut se présenter à lui sur la table, un bol ou une assiette par exemple, à plus forte raison une main, un portrait ou un nu.
Trop nombreux sont en effet ceux qui confondent encore de nos jours le dessin documentaire, que l'on pourrait appeler tout aussi bien dessin scolaire ou scientifique, avec le dessin relevant uniquement de l'art. Il y a évidemment un abîme entre le dessin tel qu'il doit être compris dans une étude documentaire et celui qui peut se présenter dans une peinture figurative ou abstraite. Il ne peut être question d'engager les élèves à interpréter une étude documentaire à la façon de Hartung, de Tapiès ou de Dubuffet. Pour l'étude d'un moulage, il va de soi que l'élève se doit de faire abstraction de sa personna- lité pour s'effacer devant l'oeuvre du sculpteur. Cette oeuvre étant déjà le résultat d'une interprétation, une autre ne s'impose donc pas.

L'intelligence de l'homme lui a permis de découvrir

dans la ligne, le moyen d'exprimer sa pensée d'une façon plus concrète et plus durable que par la voix. C'est ainsi que naquit l'écriture qu'est le dessin. Quelques lignes peuvent suffire pour exprimer un mouvement, un caractere, une émotion. Il faut cependant se garder de conclure que le dessin réside uniquement dans la ligne. Sa présence est plus discrète dans doute, mais demeure discernable pour les yeux avertis dans l'agencement des valeurs, des couleurs et des matières. Le dessin peut donc prendre des formes différentes. Son importance est primordiale et son absence engendre inévitablement le chaos.

On imagine aisément ce que serait un portrait réalisé par un piètre dessinateur.

Il est évidemment plus facile de jouer avec les lignes d'un paysage qu'avec celles du corps humain. Il n'est certes plus nécessaire de nos jours de pouvoir réaliser un portrait ressemblant pour "réussir" en peinture, mais je pense que le fait d'en être capable doit donner de légitimes satisfactions et sinon la promesse de monter très haut dans la hiérarchie des artistes, du moins la certitude de savoir dessiner correctement ce qui n'est déjà pas si mal.



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